Publié le 15 janvier 2021
Wax Tailor
Crédit photo : © Ronan SIRI

Wax Tailor

Une renommée à l’ombre des soleils
Musique
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Electro, Interview

6 albums studio, plus de 800 concerts dans 60 pays et de multiples récompenses ont fait de Wax Tailor un acteur incontournable de la scène électro-hip hop. Le producteur indépendant français revient avec The Shadow Of Their Suns un « long métrage sonore » servi par un casting de haut vol.

Votre notoriété internationale s’est forgée à l’ombre des médias. C’est voulu ? 

Je ne me sens pas brimé d’être à l’ombre. J’ai la volonté de ne pas compromettre le contenu artistique. Il y a une dizaine d’années, j’en éprouvais de la frustration mais plus aujourd’hui. Des formes musicales sont plus exposées parce qu’elles rentrent dans le cadre. Certains artistes, à qui on va offrir une énorme visibilité, réalisent en dix jours ce qu’il faudra six mois à d’autres. Mais ça ne changera pas, on ne va pas refaire le monde.

Vous êtes producteur indépendant. Sur quoi ne feriez-vous aucun compromis ? 

Ma ligne n’a pas bougé depuis 15 ans. En tant que producteur, je n’ai pas d’a priori sur les médias. Je prends une anecdote : une émission de télé-crochet très connue avait utilisé ma musique. J’ai reçu une pluie d’appels pour me demander si ça ne m’ennuyait pas de passer dans ce genre de programmes. Mais absolument pas ! C’est ma musique et elle n’a pas été pervertie. La seule chose que je refuse est de reformater un morceau. Et c’est déjà arrivé avec des radios commerciales qui me disaient : on veut bien te diffuser mais il faudrait que tu changes ceci, que raccourcisses cela… Ben non, ça ne va pas être possible. Il est hors de question que je retouche une création achevée.  

Vos vidéos sont de véritables petits films. L’image compte autant que la musique ? 

Je trouve que la musique a plus de vocabulaire commun avec la littérature qu’avec le cinéma. Elle a une force d’évocation personnelle, propre à chacun ; c’est un peu la bande originale de notre quotidien. C’est pour cette raison que, selon moi, une adaptation cinématographique est souvent décevante pour celui qui a lu le livre. Parce qu’on s’imagine un univers et que, le mettre sous forme visuelle, va restreindre le champ des possibles. L’image est pour moi une sorte de paradoxe assumée ; confronter la musique au visuel doit rester une capsule : le résultat d’une discussion entre un réalisateur, une lecture et moi. Ça ne doit pas cadenasser la vision de chacun. L’image vient dans un deuxième temps et la musique se place bien au-dessus. 

Vous utilisez des dialogues de film. Qu’apportent-ils à vos morceaux ?

Cet élément est bien plus important à mes yeux. Mais ça n’a jamais été une démarche pensée, je l’ai fait de façon instinctive, compulsive. Pour moi, le dialogue de film est un matériau brut, un parler qui a une double porte d’entrée. D’abord une rythmique : dans mon deuxième album, j’ai construit le titre The tune autour d’une phrase entendue dans un film I can’t get that tune out of my head. On peut l’appeler comme on veut - un gimmick, une ritournelle, un hook - bref, quelque chose qui accroche. Quant à la deuxième porte d’entrée, on traverse une époque où la technicité permet d’aller très loin en termes de manipulation de l’image et j’ai le réflexe conditionné de questionnement. Lorsqu’une information m’interpelle, je vais vérifier, trouver sa source. Utiliser le dialogue est subrepticement une manière de questionner la façon de détourner des sources. Quand je pioche des phrases ici ou là, il m’arrive de les placer dans un contexte qui leur fait dire le contraire de leur cadre initial. Quelque part, je manipule la personne qui a parlé. Comme des notes en bas de page, les dialogues nourrissent le contenu, l’atmosphère que je veux créer, l’histoire que je peux raconter. 

POUR MOI, LE POINT DE DÉPART D’UN DISQUE EST LE TITRE

Quel fil conducteur suit votre dernier album The Shadow Of Their Suns ?

Pour moi, le point de départ d’un disque est le titre. J’ai besoin de le trouver et après, je construis mon histoire. Sur la base de ce fil conducteur, d’un titre qui est un signifié, j’y mets plein de choses, de ressentis, puis tout s’articule autour : la musique, les atmosphères. Sur cet album, tout ce qui a été fait avec les invités est parti de là. Par exemple, pour le morceau « Shining Underdog », j’ai tout détaillé à Boog Brown : je lui ai expliqué ce que je voulais, d’où ça partait, à quoi ça faisait référence. L’idée qu’on puisse ressentir ou percevoir une intention de l’histoire est pour moi un très beau compliment. 

Vous créez seul, sans rencontrer vos invités ? 

Oui, c’est vraiment un travail d’ours ! Avec le temps, je me rends compte que je préfère les dissociations. J’ai besoin que les gens avec qui je collabore se sentent impliqués. Le côté fake de la musique m’ennuie vraiment. Par exemple, avec Mark Lanegan, j’étais très heureux de le rencontrer et de discuter avec lui mais on n’a pas travaillé ensemble. Le fait d’avoir un temps limité dans un studio - de sentir un chronomètre au-dessus de la tête parce qu’on a bloqué un artiste pendant cinq heures et qu’il faut absolument que ça rentre dans la boîte - me stresse et me rend laborieux. Mark Lanegan m’a envoyé une première maquette, j’ai fait des modifications, lui ai renvoyée. Ces allers-retours créent une relation un peu épistolaire : en échangeant, on fait avancer les choses et ça permet d’aller plus loin.

Est-ce qu’une collaboration a produit un résultat inattendu ? 

J’ai toujours une vision claire de ce que je veux faire mais j’adore l’idée de capturer l’accident. Souvent, les meilleures choses sont arrivées de cette manière. Alors quand on me dit « du coup, ce n’était pas ce que tu voulais faire » je ne suis pas d’accord. Capturer un accident, c’est une intention. Passer à côté reviendrait à ne pas se rendre compte que c’était qualitatif. C’est ça mon travail de réalisation : capter le moment très-très bon.  

Propos recueillis par Nathalie Truche 

nouvel album « The Shadow Of Their Suns » sorti le 8 janvier 2021

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