Publié le 15 juin 2018
TRISTAN KNOERTZER

TRISTAN KNOERTZER

L'AVENTURE SUR LE PAS DE LA PORTE
AVENTURE
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VTT, Ski, Kayak

Le guide chamoniard Tristan Knoertzer, 27 ans, cherchait à vivre une expérience en solitaire, au départ de chez lui, multi-sports et sans moyens de locomotion motorisés. Il a donc quitté Chamonix pour une boucle de 25 jours (et 285 km) passant par la route (vélo), le lac Léman (kayak) et une ribambelle de sommets (ski et ski de randonnée). Une vraie découverte de ce qui se passe à deux pas de chez soi.

À l’aube de ma 27ème année, j’avais envie d’un projet différent. Après un voyage aux Philippines où j’ai appris à grimper à des enfants, dans le cadre de l’association Caméléon, j’ai eu envie de les aider. Comment apporter ma pierre à l’édifice en rentrant chez moi ?

Comme toute les associations humanitaires, Caméléon a besoin d’argent et de sponsors financiers pour prendre en charge plus de 300 enfants par an. Je me suis donc mis comme objectif de trouver une solution efficace, originale et médiatique pour réunir de l’argent et faire parler un maximum de Caméléon. Le projet « Border Line » était né.

Ma boucle allait être une ligne de frontière entre les 3 pays qui entourent ma ville natale, Chamonix. À savoir : la France, la Suisse et Italie. Ce parcours promet une recette d’aventure détonante et étonnante.

On observe aussi que le sommet du Mont Dolent, et ses 3 820 mètres, est un sommet tri-frontalier (France, Suisse, Italie) et sera l’objectif final de mon projet. En chiffre cela donnera : 285 km, 19 345 mètres de dénivelé positif, 25 jours d’aventure et quatre sports combinés : alpinisme, ski, kayak et vélo.

Le 29 mars à 6 heures du matin, c’est le départ pour le Mont Blanc à ski sans utiliser la moindre remontée mécanique. L’itinéraire n’a rien de très original, c’est celui du mont Blanc « historique », d’abord à vélo puis à ski. Le sommet de l’Europe est un moment d’émotion car j’ai la sensation que mon Border Line Project commence réellement. Ce projet qui a prit sa source au milieu des rizières des Philippines il y a quelques mois…

La descente me plonge directement dans la face nord du Mont Blanc en passant sous les horribles séracs, le refuge des Grands Mulets et je redescend enfin jusqu’au tunnel du Mont Blanc, suivi d’une descente à vélo jusqu’à Passy. J’attache à l’arrière de mon vélo une petite charrette, supposée résister au poids de 2 jeunes enfants. Soit 40 kilos max… Mais entre le poids de mon kayak gonflable de 24 kilos, mes 2 pagaies, mes skis, mes chaussures de ski, mon sac d’alpinisme (pour la traversée du Chablais), un sac de couchage, une micro-tente et quelques vivres, ma charrette pèse plus de 60 kilos !

A midi, je descends de mon vélo, gonfle mon kayak et attache tout mon équipement à l’avant du bateau afin d’équilibrer les charges. J’enfile ma combinaison étanche et monte à bord. L’eau est gelée et je ne regrette pas ma combinaison étanche que j’utilise d’habitude en canyoning. Il me faudra 2 jours pour rejoindre Genève. Cette section me donne du fil à retordre dans les rapides. Ma seule option est donc de les éviter en sortant, porter mon bateau, tout rattacher pour repartir à la rame !

Me voilà enfin dans les eaux du lac Léman, le plus grand lac subalpin d’Europe, long de plus de 73 kilomètres. Je pagaie pendant 2 jours et me questionne sur la suite… la météo idyllique permet d’avancer vite mais remet en question l’enneigement sur les sommets du Chablais. J’ai tout intérêt à arrêter la partie kayak au niveau d’Evian pour ensuite remonter vers Morzine pour trouver de la neige.

Après une nuit sur les hauteurs d’Evian, je passe des coups de fil à des amis du Chablais qui me confirment que les sommets que je convoitais sont secs, archi-secs. Je réalise ce projet pour Caméléon et pour me faire plaisir, or marcher avec mes skis sur le dos dans des couloirs de pierres, ce n’est pas l’idée que je me faisais du plaisir…

Alors, je change mes plans et pars vers Morzine en vélo. Une longue sortie de plus de 35km avec environ 25 kilos de matériel répartis entre le cadre du vélo, mon dos et mes épaules.

Je me rapproche de l’objet de mon désir : La neige. 300 mètres sous col de la Golèse, je cache mon vélo dans la forêt (une amie reviendra le chercher plus tard), enfile mes chaussures de ski de rando que je trimballe depuis le début et me mets en marche ! Je sens que ma fatigue s’est accumulée ces 2 derniers jours. J’avance à pas de fourmis et me surprends même à me plaindre ! Il faut que je me repose.

Je décide d’arrêter cette journée au refuge d’hiver de Bostan, une petite cabane de 30m2 qui ressemble à une cabane canadienne des Rocheuses. Je m’étale de tout mon long sur la terrasse du refuge, après avoir avalé un lyophilisé. Je pensais faire une sieste de 30 minutes… ce sera finalement 3 heures.

Le lendemain matin, je me sens mieux et beaucoup plus positif. J’ai envie d’avancer. Direction la Golette de l’Oule située 800 mètres plus haut. Puis basculer sur l’autre versant, sur le plateau de la Vogealle afin de remonter les pentes Sud de la Dent de Barme. Au sommet de la Dent de Barme, je plonge dans une belle descente à ski de pente raide sur le couloir Est du sommet : une pente de 45 degrés sur 500 mètres de dénivelé. En bas de ce couloir, je me trouve exactement sur la ligne frontalière entre la Suisse et la France.

J’ai une énergie débordante pour continuer à avancer. Le col de La Tour Salière n’est plus qu’à 800 mètres au-dessus de moi. Je pèse le pour et le contre entre continuer à avancer jusqu’à Vallorcine côté français (ce qui me permettrait de bien manger et bien dormir) ou m’arrêter à la cabane de Susanfe (remanger des soupes chinoises immondes et passer une nuit moyenne)… La décision est vite prise : je continue ! J’enchaîne donc jusqu’au col de La Tour Salière puis descends en ski sur le barrage d’Emosson. Depuis le barrage, la neige s’arrête, je dois continuer à pied sur le village de Finhaut. Je franchis le passage de la frontière franco-suisse et remonte à Vallorcine. Cette journée aura été la journée la plus longue du projet Border Line : 2700 mètres de dénivelé positif, 16 heures d’effort et 24 kilomètres parcourus.

Marcher avec mes skis sur le dos dans des couloirs en pierre, ce n'est pas l'idée que je me fais du plaisir.

La suite de mon itinéraire m’amène au Mont Dolent, mon objectif. Je pars de Vallorcine, remonte jusqu’à la station du Tour, toujours sans remontées mécaniques, m’arrête au refuge Albert Premier, continue par le passage de la Fenêtre du Tour, le Col de la Grande Lui, la descente du Glacier de l’A Neuve pour enfin arriver au village Suisse de la Fouly.

Là, la Bise se lève! Ce vent glacial qui te gèle les orteils et peut te rendre fou si tu es en montagne et qu’elle se met à siffler. Quatre jours se passent dans l’attente d’une accalmie et je pourrais repartir vers le Mont Dolent. Je passe une belle nuit dans le petit bivouac de « La Maille » en Suisse avec ses 10 petits couchages et leur entretien irréprochable… comme souvent chez nos voisins.

Le lendemain est une journée parfaite : le regel est bon, les conditions de neige sur l’arête sont excellentes, nous n’avons pas besoin de nous encorder avec l’équipe de tournage. Soudain l’impensable me saisit : je ne veux pas aller au sommet ! J’ai envie que l‘aventure continue !  À 20 mètres du sommet, je ne veux pas me résoudre à l’idée que Border Line va s’arrêter. Une fois là haut, en touchant la tête de la statue de la Vierge, c’est fini. Je ne sais pas quoi dire. Je ne réalise pas que je viens de parcourir 285 kilomètres en 25 jours en passant par tous les états d’euphorie et de fatigue.

Que ce projet va bientôt s’arrêter. La seule chose qui me rend heureux est de savoir que la cagnotte du financement participatif a explosé : plus de 4 500 euros. L’objectif financier est atteint, l’objectif sportif aussi. Il me reste à descendre à ski du côté italien.

En arrivant chez moi, je pose mon sac sur le pas de la porte et cette fois-ci, je vais me coucher dans mon lit. Quelques mois plus tard, je repars pour les Philippines pour retrouver mes petits grimpeurs du centre Caméléon…

Texte : Tristan Knoertzer
Photos : Yucca Film

EN CHIFFRES :

285 KM, 19 345 M DE DÉNIVELÉ POSITIF, 25 JOURS D'AVENTURE ET 4 SPORTS COMBINÉS : ALPINISME, SKI, KAYAK ET VÉLO.

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