Publié le 1 juin 2016
MATTHIEU LONGATTE

MATTHIEU LONGATTE

Le chroniqueur qui dégomme l’ actualité
Culture
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Interview

Ses chroniques, baptisées comme le premier roman de François Sagan, « Bonjour Tristesse », cartonnent sur la toile. Depuis près de 2 ans, Matthieu Longatte démonte l’actualité politique toutes les semaines avec talent, humour et agressivité. Il compte plus de 100 000 abonnés sur sa chaîne You Tube et ses videos culminent à près de 9 millions de vues ! Maître de cérémonie des derniers « Y’a Bon Awards », le comédien porte des convictions fortes et un reel engagement.

Tu as eu un long parcours universitaire ? Etait-ce un choix ?

Un choix oui et non, j’aurais pu aller au conflit avec mes parents qui y voyaient un gage de sécurité (du moins jusqu’au BAC) mais je suis allé au conflit pour d’autres choses. En fait, j’ai toujours été un fainéant curieux d’apprendre ; et les cours, enfin les matières littéraires, ne m’ont jamais demandé beaucoup d’efforts. L’école pour moi, c’était l’occasion de ne rien faire, de rire avec mes potes et d’apprendre des choses malgré moi. Et puis, j’ai travaillé dès mes 20 ans sans jamais vraiment arrêter l’art. Bref, je ne me suis jamais senti autant chômeur qu’à l’école ! Après le Bac, je suis passé du commerce à Science po puis au Droit mais je passais rarement plus de 7 heures par semaine en cours... Je m’ennuyais à mourrir et mes amis avaient tous arrêtés. Mais le droit notamment m’a permis de m’imprégner de choses qui me servent encore aujourd’hui.

À quel moment tu t’es dit que tu allais devenir comédien ?

Jamais ! J’ai toujours aimé jouer mais pour moi être comé- dien n’est pas un métier, c’est un hobby qui a bien tourné. Je trouve pathétique ces comédiens qui expliquent à quel point leur “ métier ” demande un travail intense et douloureux. J’ai trop de boulots de merde pour ne pas savoir qu’au pire c’est une passion pour laquelle des gens cool, ou pas d’ailleurs, sont prêts à te payer, cher ou pas d’ailleurs.

D’où te vient cet intérêt pour la politique ?

Je ne sais pas trop, j’écoutais beaucoup les débats en fa- mille et ceux-ci tournaient souvent autour de la politique. Je pense qu’enfant, on vit pour exister aux yeux des adultes ; j’ai du m’y intéresser pour trouver ma place et mon temps de parole au sein d’eux. La trahison Balladur-Chirac pen- dant la campagne 2015 avait un côté cinématographique qui m’a beaucoup intrigué; et puis ce sont quand même des gens que l’on ne connait pas, qui nous gouvernent et participent à rendre nos vies merdiques, il me parait juste naturel de s’y intéresser, du moins tant que leurs escroqueries ne nous rendent pas dépressif.

Est-ce ta plus grande source d’inspiration pour écrire tes videos ?

Je vais essentiellement chercher mes inspirations dans ce qui me dégoûte au sein de notre société, les politiques occupant une place privilégiée dans mon coeur à ce niveau là, ils sont effectivement souvent ma plus grande source d’inspiration.

Quand on regarde « Bonjour Tristesse » on pour- rait penser que tu es de gauche ... Vrai ou faux ?

Je dirais que j’ai une idéologie de gauche, dans le sens où je pense que l’humain doit occuper la place centrale de l’action politique. Je ne crois pas que l’économie nour- rit l’humain, mais bien que l’humain nourrit l’économie. Il me semble que l’économie de marché sans aucune intervention étatique est vouée à favoriser les plus riches et à écraser les plus pauvres, et que l’action politique doit concourir à limiter (à minima) ce processus. La cohésion et la paix sociale ne peuvent intervenir sans action désintéressée, notamment via l’associatif ou une redistribution des revenus de la part de l’Etat. Donc oui, J’ai une idéologie de gauche, mais il me semble que cette idéologie n’est plus (l’a t’elle été ?) représentée au sein de l’échiquier politique actuel.

Où puises-tu toutes ces infos ?

Un peu partout, réseaux sociaux, journaux mainstream, mais j’ai une affection particulière pour Mediapart, Le Monde Diplomatique ainsi que Courrier International.

L’envie d’être auteur plutôt que simple interprète, t’est venue rapidement ?

Non, ça a été tout un processus. Au fur et à mesure, je me suis rendu compte que mon statut d’interprète me condamnait à “mendier” les auteurs. 99% des acteurs ont une vie de chien à 3 pattes loin des 1% qui se la racontent à Cannes. Ayant toujours visé l’indépendance car elle est pour moi synonyme de liberté, il m’a paru logique et opportun de sauter le pas, d’arrêter de compter sur les autres. J’ai toujours eu besoin et envie d’écrire mais je me censurais par manque de confiance en moi. Voir le travail merdique de certains auteurs payés pour ça m’a décomplexé et déculpabilisé d’essayer de me frotter à l’écriture.

Comment vis tu cette notoriété ?

Mal ! Je suis quelqu’un d’assez pudique, d’assez timide aussi avec les inconnus, j’ai tendance à y voir un frein à ma liberté d’être. J’aime pouvoir me rouler par terre en toute quietude en fin de soirée ou m’embrouiller avec un serveur malpoli sans que quelqu’un que je ne connais pas puisse le voir et se dire "Ah bah bravo Bonjour Tristesse”

As-tu eu des propositions de rôles pour la télévision ou le cinéma ?

À la télévision beaucoup : pour animer des chroniques sur différentes chaines et aussi pour un peu tout et n’importe quoi. Au cinéma un peu, mais être devenu auteur me permet d’être plus exigeant et sûr de mes envies. J’ai aussi la chance d’avoir travaillé toute ma vie et d’être prêt à y retourner, ce qui m’évite d’accepter des trucs avec pour seule motivation l’argent. Je suis notamment très fier d’avoir joué dans un projet Cross Média qui s’appelle HEIS, écrit et realisé par une fille extrêmement talentueuse qui s’appelle Anaïs Volpé. Elle a tout fait toute seule, sans un rond, c’est le genre d’artiste que j’admire.

« Bonjour Tristesse » est un programme écrit ou y’a t-il une part d’ improvisation ?

Tout est quasiment écrit mais je ne prends jamais le temps d’apprendre véritablement le texte par coeur. En vrai je suis un flemmard mais j’essaie de me convaincre que je laisse une place à l’improvisation car je trouve qu’elle permet de conserver une énergie plus spontanée.

Pourquoi penses-tu que ton programme s’est distingué des autres vidéos d’humour sur Youtube ?

Je pense que le fait d’en avoir absolument “rien à foutre” a joué. L’image est très mauvaise, le son parfois aussi, il n’y a pas de titre, pas de générique, la photo d’illustration est horrible. Pour le reste, les punchlines, l’idéologie défendue avec honneteté, le fait que je ne m’occupe pas de ce qui peut vexer ou non mon public et que j’aborde sans peur des sujets clivants ont peut être joué aussi.

 

Tu travailles actuellement sur ton propre spec- tacle au théâtre le République à Paris, peux-tu nous en dire plus ?

Oui, ça fait deux ans que je devrais y être ! La scène est mon premier amour, du coup j’ai tout mon temps, je sais que j’y reviendrais. J’ai du mal à espacer les chroniques Bonjour Tristesse car il me semble que cela a sa place au milieu de toute la langue de bois actuelle : Il y a tellement de gens que je veux “allumer” chaque semaine ! Et j’ai un peu le sentiment de faire du bien à une partie bienveillante de la population. Du coup, ça me retarde sur l’écriture mais je devrais être sur scène avant 2017. Je vais essayer d’écrire un spectacle qui parle plus de la société que de “comment ma femme oublie de reboucher le tube de dentifrice”, bref je vais essayer d’éviter de parler de moi.

Propos receuillis par Carole Cailloux
 

MATTHIEU LONGATTE

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