Publié le 7 avril 2021
Mickaelle Michel

Mickaelle Michel

Un petit bout de femme avec des chevaux sous le capot
EXTRÊME
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Equitation

La « Tornade » ! C’est le surnom donné à Mickaëlle Michel, cette jeune femme jockey qui renverse tout sur son passage, la hiérarchie comme les conventions. Une cavalière d’exception à l’ascension fulgurante qui, à 25 ans, fait souffler un vent de fraîcheur sur un monde de traditions : les courses hippiques. La « Tornade ». Et pas Tornado. Même si cette compétitrice hors-pair partage avec le fantastique destrier de noir ébène, une rapidité, une aptitude au combat et une élégance rares. Rencontre au PMU. Non, on déconne. Rencontre rythmée avec une stakhanoviste qui n’a pas pris de vacances depuis 4 ans : il en va de la concrétisation de ses rêves. 

Ouragan, record et Formule 1

Dans le milieu, vous êtes surnommée « la Tornade ». D’où vient ce pseudonyme ? 

Les médias spécialisés me l’ont donné suite à la progression assez fulgurante que j’ai connu à l’automne 2017. J’ai remporté 17 courses en l’espace de 4 mois, à l’âge de 22 ans, sans vraiment être attendue, en débarquant un peu de nulle part. Ces victoires très soudaines m’ont valu ce surnom de « Tornade ». Après, je vous rassure, ce fût également un ouragan dans ma vie, ça a bouleversé pas mal de choses… 

Cette arrivée assez brusque sur le devant de la scène fût-elle facile à gérer ?

Comment réagit-on lorsque le succès est aussi foudroyant ? 

À vrai dire, j’ai essayé de ne pas me montrer trop cérébral, de ne pas tout intellectualiser. J’ai juste pris du recul et me suis attachée à profiter un maximum de ce rêve éveillé. J’étais animée de l’insouciance de ces enfants qui ne comprennent pas trop ce qui leur arrive. L’année 2018 fût fantastique en tous points puisque j’ai établi le record de victoires pour une femme jockey : 72 gagnes en 12 mois. Certains jockeys ont d’ailleurs tendance à banaliser la victoire, puisque l’on court tous les jours, et ce plusieurs fois par jour ! Moi j’ai pris le parti de kiffer à fond, car on ne sait jamais vraiment de quoi demain sera fait. Donc je célèbre chaque victoire ! 

La course hippique est un sport populaire. Tout le monde voit à peu près de quoi il s’agit et se montre capable de mettre des images sur des mots. Mais peu nombreuses sont les personnes qui savent combien cette discipline est à part. Pouvez-vous nous expliquer brièvement en quoi elle consiste et comme cela fonctionne ? 

Très simplement, l’hippisme se définit comme une course de chevaux en départ groupé, sur des distances allant de 1000 à 3200 m, en hippodrome. Le système repose sur trois acteurs : le propriétaire du cheval ; l’entraîneur auquel il le confie au quotidien ; et nous, les jockeys, qui sommes en réalité des pilotes de courses disponibles à la demande. Comme en Formule 1, les plus talentueux sont les plus prisés. Et tout cela fait l’objet de paris, que l’on appelle plus communément le turf. 

J'ai remporté 17 courses en l'espace de 4 mois, sans vraiment être attendue, en débarquant un peu de nulle part.

Stakhanovisme, pédale de frein & Bis repetita

Le rythme semble ultra-soutenu. En fait, vous êtes en permanence en compétition… Pas de place, ni pour l’entrainement, ni pour les vacances… 

Les courses ne vous attendent pas ! C’est une mécanique qui vous oblige à performer constamment pour vous montrer auprès des entraineurs, bénéficier de meilleurs chevaux et par voie de conséquence créer un cercle vertueux de victoires… Je monte 7 jours sur 7 et effectue plusieurs courses par jour. C’est intense ! Je n’ai pas vraiment pris de vacances depuis mes débuts sérieux, en 2017. Seulement 4 jours cet hiver, pour les fêtes. Mais j’ai raté l’opportunité d’un cheval gagnant, ce qui m’a beaucoup contrarié… En s’arrêtant, on perd le rythme et la clientèle ! 

Pouvez-vous nous décrire une journée-type de ce quotidien trépidant ? Elle ressemble à quoi la vie de Mickaëlle Michel ? 

C’est une vie haletante ! Menée à 100 à l’heure ! Je me lève à l’aube pour entrainer des chevaux sur un galop rapide dès 6h30. Ceci afin de m’offrir l’opportunité de pouvoir les monter ensuite en compétition. L’idée, c’est de leur faire effectuer un effort très intense qui simule la course. Cela me prend 30 minutes par galop. Ensuite, à 9h30, après mon petit-déjeuner, je pars pour l’hippodrome où se déroulent les épreuves du jour. Je concours ensuite toute la deuxième partie de journée. Les déplacements sont parfois longs, je rentre régulièrement tard le soir… Et le lendemain, bis repetita ! 

Sur un cheval lancé à 60km/h, tu n'as pas de pédale de frein

C’est une vie d’ascète, presque stakhanoviste. Hormis cette capacité à suivre ce rythme effréné, quelles sont les qualités qui fondent une bonne cavalière ? 

La première des qualités, souvent rédhibitoires, c’est la rigueur que l’on est capable de s’appliquer dans son hygiène de vie. Car, on ne va pas le nier : le poids joue un rôle prépondérant. Si je suis trop lourde, je ne pourrai pas monter certains chevaux. D’une certaine manière, plus tu es légère, plus tu pourras t’aligner sur un large choix de courses. C’est donc un fort investissement mental au quotidien, qui nécessite une belle persévérance, permettant de s’astreindre à un régime alimentaire permanent. (Un temps de réflexion) Ensuite, j’évoquerais les aptitudes purement physiques et musculaires car une course, c’est un effort très violent et intense d’1 min 30 à 2 minutes qu’il faut être prête à assumer ! Enfin, un autre élément fondamental, c’est la capacité d’adaptation. Les chevaux ne sont pas des voitures, ça reste du vivant ! Il s’agit d’apprendre à les connaître et à les apprivoiser pour qu’ils puissent exprimer la plénitude de leur potentiel en très peu de temps. Parfois, je les découvre seulement quelques minutes avant la course !

La course hippique requiert aussi de grandes facultés d’engagement ? 

Oui, je considère d’ailleurs cela comme un sport extrême ! Sur un cheval lancé à 60 km/h, tu n’as pas de pédale de frein. Parfois, certaines montures peuvent se révéler très virulentes et dangereuses. Et pendant la course, le moindre écart d’un jockey peut envoyer son concurrent à la faute… Les chutes ne sont pas régulières, mais lorsque tu tombes, tu te fais mal ! Il faut savoir prendre des risques, c’est une certitude ! 

On ne va pas le nier : le poids joue un rôle prépondérant

Arc de triomphe, sauna et tenue de combat

Vous avez seulement 25 ans mais vous semblez déjà tutoyer les sommets de votre sport. Quels sont vos objectifs à court et moyen termes ? Comment voyez-vous la suite de votre carrière ? 

Au quotidien, mon objectif est de gagner tous les jours, le plus de courses possibles. Ces épreuves sont référencées par catégories, celles appartenant aux « Groupes » sont les plus prisées, sachant que le « Groupe 1 » réunit lui toutes les compétitions qu’un jockey rêve un jour de remporter. Clairement, lever les bras sur le Prix de l’Arc de Triomphe, l’un des « Groupe 1 » mythiques, ce serait magique. Le chemin à parcourir reste long. J’ai posé les premières pierres via deux belles premières victoires sur des « Groupe 2 », l’année dernière, en Italie. Cependant, pour cela, il faudrait que j’ai ma chance. Une chance équivalente à celle des hommes ! (À nouveau un temps de réflexion) Ça aussi, c’est un objectif de long-terme qui m’anime : ne plus être considérée comme une femme jockey, mais comme un jockey international, comme l’égale de mes pairs, sans disparité de genre.

Vous revenez d’une expérience concluante de plusieurs mois au Japon et avez prévu d’y retourner très prochainement vous y installer. Pourquoi ? La concrétisation de vos objectifs passent-elles nécessairement par une délocalisation, loin de la France ? 

Il y a deux raisons à mon expatriation. La première, très positive, c’est le véritable coup de cœur que j’ai ressenti à l’égard de ce pays, lors de mon passage en 2020. Je bénéficiais d’une licence temporaire me permettant de concourir pendant 2 mois sur les compétitions nationales. J’y ai remporté 30 victoires. Un record sur ce laps de temps. Le Japon disposant d’une véritable culture hippique, très profondément ancrée, j’ai mené une vie de star tout au long de cette expérience, avec une sincère reconnaissance pour mon sport. La deuxième raison qui me pousse à y retourner, c’est l’ouverture d’esprit à l’œuvre là-bas et que je ne retrouve pas encore totalement en France.

Ici, l'hippisme a beau s'avancer comme un sport mixte, les mentalités sont assez fermées. Parfois à un point que l'on soupçonne difficilement

 C’est-à-dire ? Quelle ouverture d’esprit allez-vous rechercher au Japon que vous ne trouvez pas en France ? 

Au Japon, peu importe le genre, ils valorisent le talent. Ici, l’hippisme a beau s’avancer comme un sport mixte, les mentalités sont assez fermées. Parfois à un point que l’on soupçonne difficilement. Dans les faits, dans les coulisses, bien qu’elle soit prônée dans les discours, la parité ne se retranscrit pas toujours dans les actes. C’est un long chemin de croix, semé d’embûches, que de percer en tant que femme jockey sur les hippodromes de l’Hexagone… 

Concrètement, comment se manifeste ce manque de parité dans les courses hippiques ? Comment vous fait-on sentir votre statut de femme au quotidien ? 

Tout part de réflexions assez triviales. La classique, c’est que les femmes ont moins de force que les hommes et qu’il faudrait de la puissance pour diriger un cheval. Sauf que le pilotage, c’est aussi une affaire de sensibilité, de délicatesse, de souplesse… Souvent, lorsque mon agent, Frédéric Spanu, celui qui m’a révélé et fait confiance en 2017, démarche des entraîneurs pour leur proposer que je monte leur cheval, ils rétorquent que ce dernier n’est pas fait pour moi. (On sent la frustration poindre) D’autres éléments sont assez éloquents. Par exemple, certains hippodromes ne disposent que de vestiaires et saunas mixtes pour se changer et éventuellement perdre un peu de poids. Nous, les femmes, n’avons pas d’espace à part. 

On sent de la hargne, presque de la rancœur, dans votre discours. Cette injustice constitue-t-elle un levier de motivation supplémentaire ? 

Oui, entendre ces discours et passer autant d’énergie pour obtenir la parité, ça me frustre... Aujourd’hui, j’adopte donc une position de combattante. Peut-être que je vais essuyer les plâtres, mais au moins, la bataille que je mène bénéficiera aux générations futures de petites filles qui rêvent de devenir jockey !

Clairement lever les bras sur le prix de l'arc de triomphe, ce serait magique.

QUESTIONNAIRE de la rose

La sportive qui vous a fait rêver enfant ? 

Laure Manaudou. La femme forte par excellence, physiquement et mentalement. 

La sportive que vous admirez aujourd’hui ?  

Michelle Payne, une jockey australienne d’exception devenue entraineuse. Elle a prouvé qu’il était possible de réussir pour une femme jockey. 

La sportive qui vous a marqué par son engagement pour la parité ?  

Billie Jean King, la tenniswoman qui a battu un concurrent masculin. L’incarnation même du cran. Elle leur a mis une belle claque à tous. 

Votre plus belle émotion en tant que spectatrice ? 

Je suis allé au stade encourager l’équipe de France de football féminin, lors de la Coupe du Monde organisée dans l’Hexagone, en 2019. J’ai été émue par le talent de ces nanas. 

Une idée pour un sport plus paritaire ? 

Moins de bêtise et moins de machisme. L’hippisme a beau être l’une des seules disciplines mixtes, il demeure l’un des sports les plus en retard sur le principe de parité. 

Baptiste Chassagne

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