Publié le 15 décembre 2017
KIRUNA DOGS

KIRUNA DOGS

LE FILM D'UNE AVENTURE HORS-NORME AU BORD DU CERCLE POLAIRE
SPORTS D'HIVER, AVENTURE
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Chiens de Traineaux, Cinéma, Carnet de Voyage

200 km à travers le massif du Kebnekaise (nord de la Suède), 12 jours en autonomie, des paysages lunaires, des cascades de glace parmi les plus impressionnantes au monde, une équipe de professionnels du cinéma et 25 chiens de caractère.

L’équipe : Jeff Mercier, grimpeur glaciériste et alpiniste de renom, est à l’initiative du film. Il est aussi gendarme-secouriste au PGHM de Chamonix et Guide de haute montagne. Arnaud Frattinger, musher, alpiniste et moniteur d‘escalade à Grenoble, amoureux de ses chiens et passionné de Laponie. Julien Nadiras, cadreur spécialiste et opérateur drone a mis en valeur la performance sportive par des images tournées au cœur de l’action. Quentin Jourde, dit « La Bûche », le musher de secours qui va prendre les rennes du traineau de tête et découvrir l’escalade sur glace à son corps défendant.

Avril 2017, 145 kilomètres au nord du cercle polaire arctique, le musher Arnaud Frattinger, dit « Nono » emmène Jeff Mercier déflorer un spot de cascade de glace accessible uniquement en traineaux.

Perdus au coeur de la Laponie suédoise, Arnaud croit bon commencer par se planter profondément une hache dans le pied. Débuts de la galère ou de l’aventure et de l’amitié ?

Kiruna, au nord du cercle polaire… Aéroport de Kiruna, l’atterrissage a été un peu violent dans le blizzard. Arrivé de son Q.G. finlandais quelques heures plus tôt avec son 4x4, sa remorque et sa meute de 28 fauves, Arnaud Frattinger est fidèle au rendez-vous.

Un redoutable redoux. Dès le premier jour, l’expédition fait face à de sérieuses difficultés . Au départ de Nikkaluokta, le bout de la route et suite à un aussi improbable que redoutable redoux, la neige des pistes s’est transformée en colle inconsistante. La glace superficielle des lacs casse au passage des traineaux surchargés. « Nous aurons la viande des chiens, l’équipement et la nourriture pour six personnes et dix jours. Les premières journées seront les plus difficiles » avait prévenu Arnaud.

Dans chaque descente, je vais tout droit et finis invariablement dans un arbre. Si ça a le mérite d’arrêter le chargement, les chiens eux continuent de tirer furieusement. Un jour, je n’ai d’autre choix que de scier l’arbre qui me bloque. Les dévers eux aussi sont difficiles à négocier. Les traineaux suivent la ligne de pente et sont de véritables enclumes. Au soir de la première journée, nous posons un bivouac dans un petit bois de bouleaux sous les contreforts du Kebnekaise. Après 50 courageux kilomètres, les bêtes sont à leur stek-out (chaine) avec leur ration de viande et nous sommes trempés (mais contents).

La hâche… Pendant  qu’on se change dans la tente où le poêle commence à ronronner, nous entendons un cri suivi de « Quel con, mais quel con ! » Arnaud entre en boitant, sa hache toute neuve tachée de sang à la main. Il délasse sa chaussure et nous comprenons qu’il vient de se planter la lame acérée dans le pied. Lorsqu’il retire le chausson intérieur, déchiré sur sept centimètres et la chaussette ensanglantée, je ne peux retenir un haut le coeur. Quelle espèce de blessure s’est-il fait ? Le sang gicle et je tourne la tête. Parti chercher l’eau à la rivière, Jeff arrive sur ces entrefaites. On sort immédiatement la trousse à pharmacie. Sans cesser de jurer sur sa coupable inattention, Nono trouve encore le moyen de s’amuser de la situation « J’ai appris récemment à faire des points sur un pied de cochon. Ce soir, le cochon c’est moi et je vais pouvoir tester en situation réelle ! » Assisté d’un Jeff très calme et concentré, il improvise un vague champ stérile et commence l’opération sans sourciller et sans anesthésiant.. L’expédition peut   continuer avec notre guide et principal acteur à moitié amputé ?

Rien ne nous arrêtera. « Ca fait des années que j’en rêve de ce projet. On ne va pas s’arrêter à ça, répète Nono, ça n’est pas passé loin du tendon mais j’ai la mobilité de mes doigts et aucune perte de sensibilité, Bûche peut conduire mon attelage de tête et j’indiquerai la direction. Si demain je tiens toujours debout, on continue vers les cascades. » Le lendemain, appuyé sur des bâtons télescopiques, notre courageux musher tient debout et, un peu ahuris, nous démontons le camp et continuons. Dans les premières barres rocheuses croisées et orientées au sud, la glace a bien fondu, mais le froid revenu dans la nuit nous assure une glisse extra. Un peu trop parfois. Sur les lacs qui servent d’ordinaire de boulevard, la glace vive nous vaut quelques sorties de route. Les chiens ont quant à eux un ressenti très précis de ce qui se passe sur le traineau et de l’état d’esprit du conducteur. Dès que ce dernier mollit, il a droit à quelques coups d’oeil interrogatifs de la part de ses tracteurs à quatre pattes. Tous ensembles, soudés par la situation et l’urgence, nous abattons les miles. Après 80 kilomètres supplémentaires nous découvrons notre graal et ses joyaux bleutés !

Le voyage aurait tourné au cauchemar sans le courage, la compétence des uns et le bonne humeur des autres.

Le vent nous portera. Poser le camp définitif n’est pas une sinécure, le grand tipi semble plus s’amuser à collaborer avec les rafales qu’avec nos corps morts. Blottis au creux d’un bois de bouleaux, nous fixons les tendeurs aux branches. Arnaud, ce type qui, on l’aura compris, n’a pas peur de grand chose, semble particulièrement inquiet de la violence du vent. Sans se faire prier, nous suivons ses conseils et doublons les hau-  bans. Poser un bon bivouac suppose mille astuces que nous découvrons à chaque instant. Certains soir, tandis qu’il fait un -10°C dehors, nous finirons avec le poêle porté au rouge et torse nu sous la tente…

La météo s’acharne ? Nous aussi ! Partis le 4 avril de Nikkaluokta, nous nous dirigeons 3 jours plus tard vers les cascades. Raquettes aux pieds, nous traversons plusieurs bosquets disposés en terrasse. Avec la neige fraiche et les vieux bouleaux tordus, l’ambiance est très jardin zen. Après le violent redoux, autant dire que la glace ne se présente pas sous son meilleur jour. Mais les seules choses qui pourraient empêcher Jeff d’aller tâter du glaçon sont une température sous les -30° ou un vent de 150 km/h.

On aura tout eu. En pleine réserve, un troupeau de rennes sauvages s’est rassemblé autour d’un des premiers points déneigés. Avec le printemps, les animaux sauvages commencent à remonter vers le nord en suivant le dégel. Encore un peu et je m’attendrais à voir le traineau du père Noël accroché derrière. Pour le dernier bivouac, Nono nous a fait une petite surprise. Au bord d’un lac, les premières baraques aperçues sont en fait l’auberge gardée d’un fishercamp. Leur immense sauna à double foyer accueille notre troupe. Le phallus dressé d’un ours en bois sculpté indique la température. 85°C. Puis c’est la première douche depuis dix jours dans une eau où flottent des glaçons. C’est trop beau pour être vrai.

Nikkaluokta nous voilà !  Dans une tempête de neige teigneuse et trente centimètres de poudreuse, nous poussons 6 heures d’affilée les traineaux pour atteindre un col et la grande descente finale. Seuls un pont suspendu, deux cabanes abandonnées et les jalons de la piste nous confirment la bonne direction. Au col, le temps se lève. Dans un rayon de soleil, nous plongeons vers la vallée pour une dernière cavalcade échevelée. D’une tape sur l’échine et d’un bisou sur la truffe, je remercie encore une fois mes courageux et fidèles compagnons. Car, Nikkaluokta, nous voilà !

 

Texte et images : Guillaume Vallot

KIRUNA DOGS ON THE ROCKS (2017), réalisé par Mathieu Rivoire.
Images : Julien Nadiras, Guillaume Vallot

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