Publié le 24 octobre 2022
La critique cinéma : RMN
Crédit photo : © Mobra Films

La critique cinéma : RMN

Cette semaine : le retour de Cristian Mungiu, lauréat de la palme d’or en 2007
Cinéma
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Drame, Thriller, Fiction

Alors que les critiques presse l’avaient encensé comme l’un des meilleurs films de 2022, RMN est reparti bredouille de Cannes, malgré ses 7 nominations. Le film roumain de Cristian Mungiu (lauréat de la palme d’or en 2007) est encore à l’affiche au Nemours (Annecy), jusqu’à mercredi. L’occasion pour vous d’aller visionner, si l’envie vous prend, cette fresque politique magistrale de 2 heures.

Avant tout, un petit éclairage est nécessaire concernant le titre. RMN ? C’est l’acronyme roumain de « IRM ». Vous savez, ce scanner cérébral usuellement utilisé pour détecter une maladie invisible à l’œil nu. Aller chercher ce qui ne se voit pas, en profondeur. C’est bien là le coup de scalpel du réalisateur : diagnostiquer, en quelque sorte, les maux qui rongent la société roumaine.

Crédit photo : © Mobra Films

Le synopsis du film.

C’est l’histoire de Matthias, homme rustre et taciturne, qui quitte l'abattoir où il travaille en Allemagne, pour revenir brusquement dans son village de Transylvanie. Région la plus à l’ouest de la Roumanie, une minorité hongroise et allemande y vivent encore. Dans ce petit village à la population multiéthnique, il retrouve son fils qui a mystérieusement perdu la parole, sa femme (qui se serait bien passé de le revoir), Otto, son père en fin de vie, et son ex-maîtresse, Csilla.

Autant dire que l’ambiance n’est déjà pas terrible à son arrivée. Et ça ne va pas s’arranger à l’arrivée de trois travailleurs immigrés…
Il se trouve que le seul employeur du coin est une boulangerie industrielle. En manque de salarié, de par un salaire minimum, les dirigeantes embauchent des travailleurs étrangés… Du Sri Lanka pour être précis. C’est la goutte de trop pour les habitants. Ainsi, dans un crescendo xénophobique, le village menace de s’embraser.

Une fronde xénophobe signée Mungiu.

Cristian Mungiu décortique la xénophobie, loin de lui l’idée de la justifier. Mais il la montre comme un miroir des peurs que traverse l’Europe contemporaine. Une peur de l’autre, implacable, risible, frôlant le ridicule.

Dans ce village loin de tout, aux routes crevassées et enneigées, le réalisateur revient sur les ravages du nationalisme. Côté dialogues, rembarquement écrit, ils révèlent petit à petit l’intrigue. Vifs et mordants, ils soulèvent le poids de l’Histoire, évoquent les discriminations anti-Roms (surnommées « gitans » dans le film), l’immigration et, pour couronner le tout, une haine de l’Europe : représentée au mieux comme une machine à subvention. Oui, peut-être qu’il nous perd un peu. Après tout, RMN est d’abord une histoire d’incompréhension, de quiproquo entre des individus. Un mélange de choses qui n’ont -à première vue- rien à voir. Le film passe sans cesse du roumain au hongrois, avec quelques répliques en allemand, une touche d’anglais et d’autres en français. Tant qu’il est parfois difficile de suivre le rythme. Pas de panique, un message s’affiche d’ailleurs sur l’écran au début du film : chaque langue dispose de son sous-titrage coloré. (Sachez que quelques rires ont fusé dans la salle, présageant qu’on allait rapidement se perdre, noyé par la diversité.).

Comment ne pas aborder aussi cette présence du mystique. Cristian Mungiu joue sur le surnaturel, on y suit des pistes un peu fantastiques. Ce qui, on le concède, est assez troublant. On est plus certains, à l’heure du plan final, de l’exactitude de ce que nous avons vu. Un débrief avec vos voisins de salle sera sûrement nécessaire...

Crédit photo : © Mobra Films

Du grand (et beau !) cinéma

La colorimétrie bleue et froide -comme l’ambiance du film- renforce le caractère rustre du village. Et puis, il y a cette maîtrise implacable de la caméra. Des plans-séquences rendant oppressante une forêt, vivante une ruelle déserte. Il y a des plans fixes intenses. Comme LE plan fixe. Celui de 17 minutes, dans une salle des fêtes. 17 minutes où les villageois sont totalement furibards. Les dialogues fusent, sans filtre. Plus de vingt personnages y prennent la parole en un flot ininterrompu. Comme un grand déballage, une marmite en pleine ébullition dont les principaux composants sont les rivalités culturelles et économiques.

Ils en veulent à ces gens venus du bout du monde pour « prendre leur travail » mais aussi à l’entreprise qui ne paye pas assez. Ils en veulent aux étrangers, à l'Union européenne, à tout ce qui n’est pas eux. Tout le monde y va de son mot. Ça jure aux quatre coins de la salle communale. Sans la moindre retenue, est craché un concentré de xénophobie et de haine réunies au même endroit. Difficile de ne pas réagir, enfoncé dans son siège. Rien que pour ce plan-séquence MAGISTRAL, R.M.N mérite d’être vu. On l’aime, ou on le déteste. Mais on ne peut rester indifférent devant ce coup de maître signé Cristian Mungiu.

Séances au Nemours :
20:45 lundi 24 octobre
13:45 et 20:45 mardi 25 octobre

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